C’était mon premier meeting d’athlétisme de l’année, mon premier avec les « valides », mon premier en Suisse… De nombreuses personnes s’attendait à voir si ma performance allait être bonne. Mes partenaires, mon club, la Fédération, l’entraîneur national… Je devais tenter de ne pas trop me mettre sous pression et d’évacuer toutes les tensions.
Le jour J, tout ce qui était planifié se déroule à merveille. Levée à la même heure que d’habitude, faisant plus ou moins les mêmes choses pendant la journée en privilégiant le repos, je rejoins la compétition. De nombreuses personnes sont au rendez-vous ! Je me prépare. Jusqu’à là, tout se déroule comme prévu. Je me sens bien. Peut-être trop… L’échauffement se passe bien. Je préserve mon énergie tout en étant focalisée sur « ce que j’avais à faire » : je devais me concentrer sur la technique du geste qui aurait pu devenir compliquée. Je prends mon temps de faire la coordination (ABC sprint). La compétition approchait. Malgré la difficulté, mes gestes restaient corrects. Skipping, accélération, un départ en bloc. Je devais rester focalisée. Je me prépare et colle mon numéro sur la cuisse. C’est l’heure ! Là, je suis perturbée… Sur l’écran, ils sont passés de la série 12 à 14… C’était mon tour. Une personne m’appela. Mais c’était faux, c’était la 13ème série… Quel chamboulement ! Je me dirige vers mon « starting block ». Je venais d’être dérangée et n’était plus parfaitement concentrée…
« Auf die Plätze », fût dit en allemand. Je me mets en place. Je pense un instant si j’exécute bien le mouvement correctement. Je savais le faire, bien entendu, mais j’en doutais. Je visualisais la ligne de l’œil droit. Soudain, elle se déplaça et mon œil gauche repris le relais, voyant double. Je n’avais pas confiance, la réalité revenant à l’esprit. Mais c’était l’heure. C’est maintenant que cela se passe !
« Fertig », la tension est maximale. La seconde et demie passait vite et mon attention était centrée sur l’ouïe. Certes, elle n’était plus sur le corps, plus au bon endroit…
« Coup de pistolet ! » Je me redresse trop vite. Je n’avais pas confiance à mes jambes et peur de tomber ! Or, le contraire s’est produit ! En perdant l’équilibre vers l’arrière, je bascule de droite à gauche… C’était catastrophique ! N’identifiant pas les lignes, je n’aurai pu dire si j’étais restée dans mon couloir… Je me rattrape et finis la course en 10 secondes 59 ! J’aurai dû faire une seconde de moins ; celle que le déséquilibre m’a coûté. Un résultat décevant. J’étais déçue. Mon entraîneur aussi. Comme avec chaque athlète, il fait un bilan et m’a parlé de la même façon, avec les mêmes règles, le même ton. Ayant toutes les excuses de lui demander de l’empathie, j’étais finalement ravie. J’appris. Il savait ce dont j’étais capable !
Je savais alors que je devais travailler sur la technique des départs, mais pas seulement. Je devais encore mieux être prête mentalement et me préparer au changement. Toutefois, il est important de relever les choses qui ont bien fonctionnées. Il y en avait car j’avais été un minimum préparé…
À la mi-course, je retrouve l’amplitude du mouvement qui me mènera au-delà de l’arrivée. Le lendemain, mon médecin me félicita même de ne pas avoir abdiqué et retrouvé la stabilité. Cela était peut-être moins pire que je l’imaginais… Certes, Il a fallu accepter cette réalité afin de continuer à avancer, malgré ma tendance à négliger ce que j’avais bien appliqué… Si l’on découpe mon départ en plusieurs parties, il faut dire que l’autre point fort de ma ourse était mon temps de réaction. Il était de quelques centièmes seulement. De plus, je suis parvenue à gérer ma spasticité. Bien que les capteurs dans les « blocs » furent sensibles, je ne fis pas de faux départs. En soi, c’était déjà un exploit…
Photo: Daniel Mitchell